La 17ème édition de la journée nationale de l’audition a placé au cœur de ses débats les acouphènes. L’Université de Lille 2 consacre un colloque à ce phénomène le 11 avril . Cette sensation auditive qui touche 1 Français sur 4, soit 16 millions de personnes s’impose de plus en plus comme un sujet central pour les professionnels du soin. Bourdonnement, sifflement, cliquetis, tintement, comment réapprendre à vivre avec ce symptôme ORL qui peut gravement affecter nos modes de vie? La sophrologie explore de nouvelles voies de traitement.
Qu’est-ce qu’un acouphène ?
L’acouphène est une perception involontaire de sons non générés par un bruit extérieur. Il peut être ressenti dans une oreille ou dans les deux mais également à l’avant ou l’arrière de la tête. Il s’agit d’un symptôme: l’acouphène n’est pas une maladie mais la conséquence d’un trouble. Occasionnel ou chronique et il est perçu par intermittence ou en continu selon les patients. Un article du Monde paru en mars 2014 explique que toutes les tranches d’âge peuvent être affectées: en effet, 56 % des 16-34 ans disent avoir déjà ressenti au moins une fois un bourdonnement d’oreille.
Ces sons qui nous parviennent peuvent devenir obsédants, les acouphènes prennent alors une place centrale et empêchent de vivre normalement. Pour Martine Ohresser, ORL spécialiste des acouphènes, plus que le bruit, c’est « ce qu’en fait le cerveau » qui est déterminant. Elle insiste sur la gravité de ce phénomène: « Les bourdonnements et sifflements d’oreille sont un véritable handicap. Plusieurs millions de personnes dans le monde souffrent de ces bruits inexpliqués qu’on appelle les « acouphènes« . Impossible de vivre normalement, impossible de dormir, impossible de retrouver le silence. »
L’audition est un critère de santé déterminant. Si certaines limitations fonctionnelles auditives peuvent être soignées ou endiguées grâce à des appareils, les acouphènes sont un cas à part. Il est impossible de les soigner, il faut les limiter et surtout apprendre au patient à vivre avec.
Le bruit est dangereux pour notre santé, à trop forte dose il provoque des lésions de l’oreille interne et peut être la cause des acouphènes ou de l’hyperacousie (hypersensibilité de l’ouïe à certaines fréquences). Selon Sylviane Chéry-Croze, ancienne directrice de recherche du CNRS, présidente d’honneur de l’association France Acouphènes, « à la suite d’un choc sonore, la perte auditive périphérique s’accompagne de l’apparition d’un message nerveux aberrant, qui circule dans les voies auditives jusqu’au cerveau, donnant lieu à cette perception. Selon les recherches actuelles, il pourrait être généré soit à la périphérie de l’oreille, soit au niveau du cortex auditif ».
Selon l’association France Acouphènes, 1,2 millions de Français disent ressentir des acouphènes sérieux ou intolérables. Pourtant les traitements médicamenteux ont montré leurs limites, de nouveaux soins doivent donc être trouvés.
Un son fantôme
Près de 5% des personnes souffrent d’acouphènes objectifs: dans leur cas, l’origine des sons peut être clairement identifiée et s’explique par des problèmes musculaires ou vasculaires à même d’être traités. Pour les 95% restant, l’acouphène est subjectif: le bruit n’est entendu que par la personne qui en souffre. Dans la grande majorité des cas, l’acouphène chronique est lié à une perte de l’audition entraînée par l’altération des cellules ciliées. Ces cellules sensorielles constituent l’organe de Corti: l’organe de la perception auditive. En cas de dégradation, elles émettent des influx nerveux incontrôlés qui causent un dysfonctionnement cérébral. Comme le symptôme du membre fantôme -une personne amputée ressentant une douleur dans une partie de son corps qui a été enlevée-, le cerveau perçoit alors un son qui n’a pas de réalité.
Environ 20% des personnes acouphéniques ressentent une souffrance quotidienne invalidante. Le facteur déterminant est l’état émotionnel au moment de la prise de conscience de l’acouphène. Anne, 47 ans témoigne: « Quand je suis bien, détendue, avec des amis par exemple, l’acouphène peut se fondre dans le bruit ambiant, il arrive même que je ne l’entende plus. Quand je suis stressée, je ne pense qu’à ça. Au moindre bourdonnement je suis angoissée et je n’arrive plus à me concentrer. Pour Anne, le stress quotidien généré par les acouphènes a entraîné une irritabilité journalière, puis des troubles du sommeil. « Je ne pouvais pas partager ce que je vivais, je me sentais très seule et parfois même déprimée. » Pour le Centre d’Exploration Fonctionnelle Oto-Neurologique (CEFON), plusieurs prises en charges des acouphènes sont possibles « médicamenteuse, stimulations électro-acoustiques, par thérapie d’habituation ». Cependant si les traitements médicamenteux ou les interventions chirurgicales sont souvent proposé dans le cas d’acouphènes objectifs, en cas d’acouphènes subjectifs les résultats ne sont pas toujours satisfaisants. La sophrologie joue alors un rôle prépondérant, pour que le patient s’habitue aux acouphènes.
Thérapie d’habituation et mieux-vivre
Les thérapies cognitives, comportementales qui visent à évacuer les ressentis négatifs sont de plus en plus proposées par les ORL. Elles permettent à la personne acouphénique de redevenir acteur de sa guérison en diminuant la charge émotionnelle. Souvent prescrites dans le cadre d’acouphènes subjectifs, les résultats sont concluants et 70 % des personnes acouphéniques ayant recours à ces techniques déclarent avoir une perception neutre de leur acouphène après thérapie. Les sons ne sont pas éliminés mais elles parviennent à les oublier.
Le sophrologue travaille en effet pour que la personne parvienne à un état où le cerveau devient indifférent; on parle de thérapie d’habituation. La sophrologie permet dans un premier temps d’identifier les symptômes et de prendre du recul. Le sophronisé doit aussi regagner l’estime de soi, mettre un terme à l’enfermement généré par les acouphènes en gérant ses émotions. La fatigue générée par les acouphènes, l’impression d’être constamment sollicité par un bruit peut aussi être endiguées grâce à des exercices de relaxation et de respiration.
Pour Anne, l’expérience est concluante, après deux mois de séances curatives et préventives elle déclare « J’ai enfin pu prendre du recul, je ne subis plus mes acouphènes, j’ai le sentiment d’avoir repris la main sur mes émotions. »
Catherine Aliotta, sophrologue
Source : Huffington Post